Le parrain de la 3ème édition est Hervé Leconte... oui, mais pourquoi ?
Lorsque j’étais enfant - je vous parle des années 70 - et lorsque mes parents me réveillaient tout spécialement à 20 heures pour me poster devant l’écran de télévision afin que je m’inocule « La piste aux étoiles », je portais une vénération sans limite et béate à l’un de ces circassiens talentueux, juché en haut de sa corde raide, prêt à braver les pièges que lui tendait la gravité.
Non, mon dévolu de très jeune téléspectateur ne se portait pas vers le bel athlète maquillé aux muscles saillants et au collant aussi pailleté que serré, non… aucune admiration pour cet équilibriste n’ayant de mérite que d’avoir répété mille fois les mêmes gestes automatisés mais feignant tout de même un risque de chute afin que les spectateurs, situés 5 mètres plus bas, en aient pour leur argent.
Non… loin de toute cette parade et du haut ou plutôt du bas de mes 6 ans, j’admirais l’artiste qui savait rendre son égo muet, celui dont la technicité savait demeurer enfouie sous le burlesque.
Mon regard d’enfant se portait au clown équilibriste qui se risquait à traverser l’étroite et instable ligne de vie, chaussé de ses 40 cm de chaussures rouges aux lacets jaunes flamboyants.
Il était… mais je ne devais le comprendre que bien plus tard, la maitrise au plus haut point d’un art rudement acquis – maitrise ô combien supérieure à la démonstration préalable du jeune cordeliste dont le torse se bombait proportionnellement à l’intérêt des doux regards lancés sur lui par la jeune écuyère du numéro d’avant.
Mon clown, à l’instabilité maitrisée de sa corde, faisait vibrer cette dernière avec une amplitude digne de celle de Richter, il détenait une telle perfection de ce déséquilibre qu’il était capable de nous faire croire qu’il ne maitrisait en rien ce fameux équilibre vital.
Tout son art était un art de la tromperie et de la dissimulation et à 6 ans je plongeais sans retenue dans ce joyeux mensonge.
Je prenais tout au premier degré : fausses chutes, faux rattrapages in extrémis, corde incontrôlable devenue l’ennemie fourbe, le tout agrémenté des grand rires bêtas du clown en personne alors qu'il s’agissait pourtant d’exécuter le saut périlleux arrière avec à chaque pied 40 cm de chaussures rouges à lacets jaunes.
Mon ravissement devait aller crescendo lors des ponctuations fracassantes des coups de cymbales d’un orchestre là haut perché, orchestre dont l’unique rôle était d’amplifier le grotesque des bourdes contrôlées de mon clown.
Comment ne pas admirer ce personnage ? se dépêtrant plutôt bien que mal sous la moquerie générale, comment à 6 ans interpréter que ce clown était en réalité un double artiste cachant sous son maquillage comique un surdoué au colossal talent technique et comment surtout, à 6 ans, parvenir à comprendre que souvent ce qui se voit le moins est le plus vrai.
Il me fallu beaucoup d’années pour mettre de véritables mots sur le formidable exploit que réalisait mon clown équilibriste : je comprenais qu’il pouvait exister au monde « des gens sérieux qui ne se prennent pas au sérieux », des gens qui maitrisent à tel point leur discipline qu’ils sont capables de surajouter l’effet qu’il ne la maitrisent pas.
Comble de l’estime que je leur porte : ces artistes là, à l’égo camouflé, acceptaient de laisser au spectateur le seul souvenir de leur bouffonnerie presque dégradante, spectateurs ignorant qu’ils venaient de contempler sans le savoir un sur-talent dissimulé.
Telle fut alors ma quête vers ce profil de personnage que j’admirais tant et telle fut aussi ma chance d’en découvrir quelques « spécimens » aux personnalités bien singulières .
Ainsi et comme une évidence, je les ai choisis pour cela comme parrains de mon périple Place Port N20.
Car pour être parrain de ce périple hivernal, l’incontournable premier critère est celui d’ être ni trop fou, ni trop sage – par chance, ils étaient foison les pilotes des Paris Dakar d'antan qui répondaient à ce critère, sans doute parce qu’il fallait une inconsciente dose de « folie » pour s’engager dans une pareille aventure.
L’année dernière, le parrain du périple Place Port n20 fut Gilbert Lebrun, alias
« Maya l’abeille » . Il fut mon « doux dingue » attitré, dans sa tenue enfantine jaune et noire, mais d’original il n’en avait que la tenue car son palmarès pilote moto 80’s quant à lui était aussi redoutable que respectable : 5 Dakars et 5 arrivées sur la plage de Dakar.
Cette année, dans la même verve de personnages « décalés » que j’affectionne tant, le parrain sera Hervé LECONTE dont la première originalité fut de s’embarquer dans les 12000 kms du rallye Paris Dakar 1983 sur une frêle petite 125 cc Peugeot.
Sans doute, dans son trop plein d’optimisme, espérait-il franchir sur sa petite monture les vastes étendues du Ténéré violemment battu par l’Harmattan, effleurer de près les ravins de l’Erg Oriental, franchir les pistes du Hoggar lardées de saignées et d’oued rocailleux puis traverser les cordons de dunes engloutiseuses de motos.
Merci Hervé LECONTE pour cette douce folie qui t’habite toujours (tes exploits sportifs actuels hors norme le démontrent ) - merci de m’en faire bénéficier au travers de ton parrainage.